28.02.2011

Vision du patient de demain

By Thibaud Guymard

L’ePharma Summit 2011, conférence annuelle dédiée à l’innovation digitale dans l’industrie pharmaceutique aux Etats-Unis, a eu lieu il y a quelques semaines à New York. J’ai beaucoup apprécié cette conférence américaine du fait de son point de vue unique sur la manière d’engager les différents acteurs de la santé. En effet, comme vous le savez certainement, les Etats-Unis autorisent la communication directe avec le public concernant les médicaments de prescription. De ce fait, la majorité des présentations et des discussions concernaient le patient et son `engagement’. Ainsi, j’ai souhaité avoir le point de vue d’un patient sur ce que représente un patient « engagé ».

J’ai donc interviewé l’un des plus célèbres patients ou « e-patient » aux Etats –Unis, Dave deBronkart, afin de partager avec vous ses idées et sa vision du patient de demain.

Nous avons commencé par discuter de l’ « engagement du patient » et de ce que cela signifiait pour lui.

“L’engagement d’un patient signifie que celui-ci est impliqué dans le système de santé et non simplement passif. […] Un patient engagé cherche à comprendre ce que les médecins disent et joue un rôle actif en étant responsable des soins ; il peut s’intéresser à la Recherche et peut apporter des informations à l’attention du médecin, parler à d’autres patients et ainsi de suite.”

Je souhaitais aussi connaitre sa vision du rôle du patient dans le système de santé et quelle sera la prochaine étape de son engagement.

Dave DeBronkart m’a rappelé que “la réalité actuelle est […] qu’un grand nombre de patients utilisent Internet pour parler entre eux mais séparément de leur médecin.” Il souligne aussi une autre idée que je partage avec lui et qui est l’un des grands défis auquel nous sommes confrontés dans ces temps de changement dans le paysage du secteur de la santé: un changement de mentalité.

“L’avenir c’est changer la culture du patient et la culture des médecins, des infirmières pour faire comprendre qu’il est raisonnable et utile pour le patient d’aller trouver de l’information. C’est ce que nous appelons la « médecine participative », où le patient participe activement dans un partenariat avec leur médecin.”, dit Dave deBronkart.

En effet, pour créer une vraie conversation entre les médecins et les patients ainsi que d’autres acteurs de la santé, nous devons examiner la façon dont nous évaluons les patients. Habituellement, on mesure le résultat ou le degré d’`engagement’ du patient pour son traitement en analysant le degré d’observance ou de compliance. Dave DeBonkart suggère de ne plus voir le patient « adhérent ou non », mais il préfère « imaginer un objectif commun, tel que `ma santé’ et peu importe si j’accomplis le plan ou non. J’aimerais que les gens commencent à parler de `réussite’ plutôt que d’observance ou de compliance. »

En fait, les mots que nous utilisons ont probablement un impact important dans l’esprit du patient ainsi que dans la perception de leur propre engagement pour leur santé.

Les patients souhaitent des `soins’ au-delà du sens premier du mot et, dans certains cas, ils veulent faire partie intégrante de l’équipe médicale, être acteur.

“Le plus grand changement de mentalité est de passer d’une pensée où le patient est quelqu’un qui […] `doit faire ce qu’on lui dit’ à quelqu’un avec qui vous échangez et vous demandez simplement « Comment ça va? ».

En tant qu’acteur de sa propre santé, le patient engagé est à la recherche de toute conversation riche et tient à apprendre de tous les acteurs de santé, afin d’avoir une vue d’ensemble de sa propre santé. Les laboratoires pharmaceutiques ont ici un vrai rôle à jouer dans le soutien et la collaboration avec les patients.

“Si les laboratoires pharmaceutiques considèrent le patient comme un partenaire, leur demandant simplement comment ils vont, cela sera un changement de culture qui va changer tout le reste dans la relation.”, dit Dave deBronkart.

La technologie est un élément clé dans cette (r-)évolution de la communication. Sans la technologie, cet échange est “un face-à-face ou une conversation téléphonique. C’est chronophage et ce n’est pas réalisable à grande échelle. Donc, si vous pouvez avoir une communauté de patients où les gens peuvent commenter les options de traitement […] et les gens peuvent utiliser un système de notation du genre Digg ou Amazon, alors vous pouvez regrouper de très nombreux points de vue de patients à très faible coût. Internet est la seule façon de le faire. “

En effet, Internet nous ouvre d’énormes possibilités pour communiquer avec tous les acteurs de santé, partager leurs connaissances et leurs différentes compétences pour atteindre un objectif commun: la santé des patients. Tous les intervenants ont à gagner dans ce nouvel environnement qui permet de briser les frontières. Il faudra du temps et beaucoup de travail, mais ce défi va certainement nous conduire vers un meilleur système de santé.

Enfin, je voulais avoir le point de vue d’”e-Patient Dave” sur deux termes connexes qui peuvent parfois prêter à confusion: « engagement » et « autonomisation » du patient. Voici sa définition:

«Pour moi, l’autonomisation (empowerment) a plusieurs facettes. Tout d’abord, il y a une prise de conscience. L’autonomisation implique toujours une prise de conscience. Quelqu’un apporte l’idée qu’ils sont [les patients] autorisés à avoir une idée qui pourrait être aussi utile que les dires de quelqu’un d’autre. […] Cela s’est passé dans le mouvement des droits civiques aux Etats-Unis, dans le mouvement des femmes et ça se passe dans le mouvement des patients. Si vous n’aimez pas ce que le médecin a fait ou si vous n’aimez pas la façon dont le traitement se passe, vous êtes autorisés à avoir un sentiment et vous êtes autorisés à prendre la parole à ce sujet. Au-delà de cela, il y a une autre facette qui prend en compte le fait que vous devez apporter aux gens les moyens d’exprimer ce droit. […] Si je veux m’élever et faire savoir que quelque chose ne me convient pas mais que je n’ai pas les informations pour trouver une alternative ou pour changer d’hôpital par exemple, alors je suis plutôt impuissant et peu autonome. L’engagement du patient est un sujet distinct. C’est être activement impliqué dans les conversations avec mes prescripteurs. Je dirai que vous ne pouvez pas être un patient engagé si vous n’êtes pas autonome. “

En conclusion, un patient autonome est quelqu’un qui prend la parole et agit en général alors que le patient engagé est un partenaire pour les différents acteurs de santé et il est un acteur de la « médecine participative ».

Pour conclure, je vous livre ici les principales idées de la vision du patient de demain:

  • Le patient aura un rôle actif dans le système de santé
  • Le futur passera par un changement de mentalité des patients et des professionnels de santé
  • La médecine participative sera la norme
  • Penser « réussite » plutôt qu’observance ou compliance. Les mots comptent.
  • Imaginer sa communication tel un partenariat (une conversation riche pour chacun)
  • Utiliser l’environnement digital pour obtenir des résultats remarquables

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Thibaud Guymard